Position actuelle :
Carretera Australe
Depuis quelques jours, nous sommes repartis de plus belle sur les chemins du
monde mais pas nimporte lesquels ! Ceux accessibles depuis 1994.
Poussiéreux, caillouteux, voire dangereux, ces chemins sont ceux de la
mythique
Carretera Australe chilienne. Sur les 1300 kms que compte cette
route, le
voyage représente pour nous 800 kms. Nous venons de le commencer
entre Chile
Chico et Coihaique. Limpossible, selon certains,
sest transformé
en possible pour Hachille. Un défi, une performance,
une satisfaction aussi. A
larrivée de notre première étape, les mots
se
bousculent dans nos têtes
pour qualifier notre aventure
dinqualifiable !
Nous venons de passer la frontière chilienne encore asphaltée, presque
impatients de retrouver la piste.
Le premier tronçon de la Carretera à la sortie de Chili Chico se présente à nous mais pour le coup Hachille ne peut pas passer. Une montée et des ornières terribles font office de route. Celle-ci est en chantier. Nous demandons alors à lun des ouvriers si un engin est prêvu pour aplanir le terrain.
Oui ! Rassurés, une heure plus tard, après passage de la nivelleuse, Hachille
se lance, chassant un peu à larrière mais réussit son premier défi de
la
journée. Nous navons à ce moment là aucune idée de la suite à
venir.
Et
quelle suite ! Les première heures, nous sommes tout dabord
fascinés
par
la beauté des paysages.
Le lac General Carrera, troisième lac le plus grand dAmérique du Sud
dont lautre moitié, baptisée lago Buenos Aires, est située en
Argentine,
a des nuances dun bleu extraordinaire. Sa couleur minérale
provient des
glaciers lentourant.
Au fur et à mesure de notre avancée, nous longeons des corniches, la piste se
fait par endroit extrêmement étroite, et les montées parsemées de tôle ondulée
et dune longueur incroyable, commencent à fatiguer nos membres et nos
oreilles.
Nous roulons à une moyenne de 15/20km/h. Yann est totalement absorbé par la
route et tente de préserver Hachille au maximum. Géraldine essaie de
séchapper au-travers des paysages mais le stress des couinements et la
possible casse dun cardan ou autre pièce mécanique la rende
nerveuse.
Nous sommes à la fois tendus et contents. Bizarre me direz-vous ? Non car à
chaque passage difficile, nous soufflons et reprenons de lénergie pour
la suite.
Sept heures plus tard et une centaine de kilomètres plus loin, nous arrivons à
Puerto Guadal, village dà peine 400 âmes où règne une atmosphère
paisible. Quelques maisons témoignent du passé colonial.
Exténués par la route, nous décidons de nous y arrêter pour la nuit. Entre
temps, Géraldine se demande si Hachille pourra continuer ainsi et le qualifie
même de vieux tas de tôles bruyant et insupportable ! Ce moment
de doute passé, nous apercevons nos amis belges (Damien, Sophie et leurs
enfants Pauline et Yann) garés au bord de leau. Leur camping-car
Idéfix, malgré son poids et sa longueur, a lui aussi réussi à
relever le défi.
Tout heureux de cette première aventure et pour faire baisser la tension, nous
célébrons ensemble lévènement.
Les montagnes et le lac sont notre décor dun soir. Un régal !
Le lendemain, il faut bien sûr se remettre en route ! La Carretera
nen a pas fini avec nous ! Mais nous souhaitons profiter davantage des
paysages. A ce titre, nous roulons encore plus lentement. La route qui longe
le
lac est plus plate mais toujours aussi mauvaise pour Hachille.
Après 70km, les oreilles sont déjà fatiguées. Nous sommes arrivés à Puerto
Tranquilo, un village qui porte bien son nom ! Sur le bas-côté, des cabanes
proposent au visiteur une promenade en barque pour découvrir la
Catedral
del marmol (la cathédrale de marbre). Le
temps brumeux
nous fait hésiter mais nous ne voyageons pas dans la seule
perspective de
rouler. Loccasion nous est offerte de marquer une pause
tranquille, nous
embarquons.
Pas de regret. Nous visitons pendant une heure trente des grottes creusées à
même des falaises de marbre.
Loeuvre du temps a dessiné de magnifiques sculptures.
Pics acérés ou arrondis, la plus spectaculaire est ce gros champignon comme
suspendu au milieu des eaux et appelé cathédrale. Pour sûr, nous
ne sommes pas restés de marbre devant ce spectacle !
Nous reprenons le volant, apaisés par cette promenade. 20km plus loin, nous
apercevons dans une baie des cabanes de bois, installées au bord du lac.
Endroit rêvé pour y passer la nuit. Une pancarte indique
camping.
Nous descendons la pente et atterrissons sur
lherbe. Le propriétaire, au
visage buriné, nous confirme quil
est possible de camper. Chevaux, oies,
canards, nous sommes en fait dans une
ferme où rien nest pensé en
matière daccueil du touriste mais
peu importe. Le camping à la
ferme nous va très bien, surtout
quand il est si sauvage !
Nous sommes au troisième jour de notre traversée de la Carretera avec au menu
:
une étape de presque 200 kms dont la moitié sur asphalte. Lobjectif
est
en
effet de rejoindre la ville de Coihaique pour nous y reposer quelques
jours. Ce
jour là, la pluie est de la partie. Un avantage contre la poussière
!
Nous
traversons des décors incroyables.
Les lacs et rivières ont laissé la place aux forêts épaisses, aux montagnes
dont les silhouettes sombres se dessinent dans la brume. Nous longeons
également une série de bosquets où des centaines darbres morts
appellent
même à la contemplation.
La faute au volcan Hudson, sorti de son sommeil en 1991 et dont les cendres,
propulsées à plus de 13 000 mètres daltitude, ont recouvert la
région.
De cette incident, il ne reste pratiquement rien si ce nest ces
paysages
darbres figés à jamais dans leau, pointant droit dans
le ciel
leurs branches dégarnies.
De vraies cartes postales vivantes dont nous ne nous lassons pas. Avant notre
arrivée à Coihaique, ce sont cette fois des champs qui bordent la route. La
saison des moissons a commencé.
Après 400km de route, dont 300km de piste, nous sommes arrivés dans la
première
ville de la Carretera : Coihaique, peuplée de 40 000 habitants
aujourdhui. Son nom signifierait "Campement entre les deux
fleuves".
Colonisée au début du XXème siècle, ville stratégique pour les
chiliens qui
souhaitaient asseoir leur emprise au profit des argentins,
Coihaique fut
reliée au monde dans les années 60 grâce à la
construction
dune
route réalisée par le corps des ingénieurs de
larmée de
terre. Les
engins qui ont servi à tracer cette route trônent
dailleurs
toujours
en ville.
Pour nous, trouver une ville de cette ampleur au milieu dune région
réputée impénétrable est une surprise de taille.
Pas de regret quant à notre choix demprunter la Carretera Austral, bien
au contraire ! Il nous reste, il est vrai, la moitié du chemin à parcourir
avant
de la quitter définitivement. Inoubliable Carretera, sauras-tu
confirmer
notre
jugement dans les jours à venir ?... Cela, cest
encore
une autre
histoire