18 avril 2009
Partir à moto, sur des routes inconnues, le plus souvent mauvaises, boueuses ou en chantier, est une expérience en soi. Différente de celle que nous connaissons avec Hachille au quotidien, non moins aventureuse, mais tout aussi savoureuse! Un vent de liberté a soufflé très fort ces derniers jours. Les mots ne seraient pas suffisants pour vous décrire les images que nous avons en tête et les rencontres que nous avons faites. Nous allons essayer…Un Vietnam dans un autre Vietnam, celui des minorités ethniques où les populations, longtemps rejetées par le pays tout entier, trouvent leur subsistance dans un tourisme croissant.
Bienvenue dans les Alpes tonkinoises, la chaîne des Hoang Lien, avec ses vallées embrumées où, malgré tout, le soleil a fortement brillé. Et quel soleil!
Hanoï - Vulinh
Les sacoches sont remplies, les affaires bien protégées de la pluie et des éventuels éclats de boue, les combinaisons prêtent à assumer le rôle de la chute. Nous donnons un dernier tour de clé à Hachille que nous avons toujours autant de mal à laisser seul plusieurs jours.
Mais les pistes que nous allons affronter ne sont pas pour lui, comme vous pouvez le constater dans notre vidéo!
Un dernier coup d’oeil à notre cochon préféré et nous voilà en selle sur une petite 125cc pour huit jours de découverte dans le nord Vietnam. Nous avalons, au début, les kilomètres, à une vitesse moyenne de 70 km/h.
La moto file sans heurt. La circulation démentielle de la capitale est loin derrière nous. Nous nous retrouvons presque seuls sur ces routes de montagne. Du bonheur!
Notre premier arrêt se trouve à Vulinh, un village où l’ethnie Dao blanc (prononcez Zao) est la plus représentée.
Nous sommes attendus chez Mr et Mme Nhia.
Ils sont propriétaires de deux maisons de bois sur pilotis dont l’une abrite un projet baptisé: Lavievulinh.
Sur place, nous rencontrons Alain, volontaire, qui partage son temps entre enseignement en anglais donné aux jeunes du village et organisation du chantier.
Basé sur un objectif de développement durable, Lavievulinh a pour but d’offrir par exemple aux jeunes la possibilité d’avoir une vie autre que celle de gardien de buffles ou pêcheur. Lavievulinh forme ainsi les jeunes aux métiers de l’hôtellerie et de la restauration, dispense des cours de langue et met en place des activités culturelles.
Et les idées ne manquent pas pour la suite… Utilisation du savoir-faire local pour vendre des produits Dao, construction d’un catamaran pour se promener sur le lac Thac Ba, mise en place d’ateliers théâtre pour offrir au visiteur des spectacles traditionnels Dao, etc…
Si les activités actuelles (pêche, promenade en barque ou en buffle, VTT, …) sont nombreuses, nous nous contentons d’explorer à pied ou à moto le village et la région alentour.
Nous devions passer une nuit à Lavievulinh, l’accueil et les rencontres rallongent à deux jours notre séjour!
Grâce à notre traducteur et guide Alain, nous apprenons un peu de la culture Dao. L’ethnie vit de la pêche et de l’agriculture. Les femmes, en signe de beauté, s'enduisent la bouche d'une pâte rouge et mâchent du bétel pour obtenir des dents et des lèvres d'un rouge virant au noir.
Nous rencontrons plusieurs familles, heureux de nous accueillir en toute simplicité avec le traditionnel thé vert, symbole de politesse et d’honneur. Certains vivent dans une simplicité extrême. L’une des familles vient d’acquérir un chiot d’à peine trois semaines.
Géraldine craque pour cette petite boule de poil dont les yeux sont à peine ouverts. Les vietnamiens sont toujours un peu étonnés de nos marques d’affection données aux chiens et aux chats. En Europe, nous avons le temps et les moyens de nous occuper d’animaux domestiques. Pour l’anecdote, le père de famille nous explique que si la récolte du riz n’est pas bonne cette année, le chien sera mangé. Géraldine repose le chiot horrifiée mais que dire et que juger quand on ne connaît pas la faim?…
Avant de les quitter, le papa souhaite immortaliser l’instant. Nous nous prêtons volontiers à l’exercice.
Les journées se passent ainsi entre rencontres et balades à Vulinh mais aussi dans les villages voisins.
Les marchés sont minuscules.
Viande de porc ou de chien, quelques légumes et fruits font le bonheur de tout un chacun.
Les habitants, très ouverts et très curieux, viennent nous parler. Aucune animosité et aucun esprit mercantil se cachent derrière les sourires, presque une incongruité! …
Au retour de ces promenades, nous discutons très souvent avec Mme Nhia, dont le rôle est de soigner, avec ses plantes, les gens du village.
En deux jours, notre vietnamien progresse de manière fulgurante. Nous apprenons aussi quelques mots de Dao.
Son mari occupe une place importante au sein de la communauté. Il est maître de céremonie. Textes et chants sacrés Dao n’ont plus de secret pour lui. Pour accéder à une telle fonction, quinze années d’études sont nécessaires.
Les soirs venus, la fête est au rendez-vous! Les étudiants ont préparé des dizaines de plats, tous aussi succulents les uns des autres.
Les ouvriers du chantier, qui dorment dans les dortoirs annexes au nôtre, semblent apprécier notre compagnie et se joignent aux festivités.
L’alcool de riz se déverse dans les coupes à un rythme effréné. Les têtes tournent mais comment refuser sans paraître impolis?!
Heureusement, notre lit n’est pas bien loin…
Nous quittons Lavivulinh un peu à regret mais comme d’habitude, il nous faut avancer. Nous reviendrons, promis! Merci à Alain, Freddo, Guillem, Jean-Michel, et tous les participants au projet, pour votre accueil, vos conseils, votre bonne humeur et votre courage. Longue vie à vous!...
Vulinh - Bac Ha
En quittant Vulinh, l’orage du matin a rendu presque impraticable le chemin qui rejoint la route principale. Géraldine repart à pied, Yann s’essaie au difficile exercice de la conduite “sur boue”. Mission réalisée avec succès même si la dernière montée s’effectue en poussant l’engin avec l’aide d’Alain. Tout crottés, les semelles lourdes de terre, nous reprenons en riant la direction de Bac Ha, haut-lieu de rencontres des minorités ethniques dont la plus importante est celle des Hmong fleurs.
Pour cela, nous suivons de sinueuses routes de montagnes à l’activité débordante.
230 km plus tard, un peu avant notre arrivée, nous découvrons, sous un très beau soleil, un cadre enchanteur fait de magnifiques vallées verdoyantes.
Bac Ha n’est pas forcément très haut en altitude (700 m), mais la route, étroite et escarpée, est d’une beauté à couper le souffle.
Pourquoi Bac Ha? Cette bourgade accueille tous les dimanches matins un grand marché où descendent la plupart des Hmong fleurs de la région. A côté de notre hôtel, les habitants s’affairent à installer des stands et des bâches. Une impression de foire s’en dégage. Nous décidons de nous rendre le lendemain matin à l’ouverture du marché, avant la horde de touristes venus pour la plupart de Sapa, ville plus importante au nord-ouest.
6H00 du matin, le soleil est à peine levé. Nous déjeunons d’une soupe de boeuf puis découvrons cet immense marché aux couleurs incroyables.
Ces couleurs ne sont pas dues aux produits proposés, bien que les tissus vendus soient extrêmement colorés. Elles sont dues au folklore ambiant initié par les Hmong Fleurs.
Si les hommes portent des tenues sobres, les femmes en revanche sont parées de mille et une couleurs.
Robes, ceintures, besaces, écharpes ou foulards, sans oublier les bijoux, nos yeux ne cessent de les regarder.
Et ces visages! Que d’expressions et de regards si beaux n’avons nous pas croiser!
Un tableau si vivant. Pendant trois heures, nous parcourons les allées du marché en observant ces femmes qui, tout en menant leurs affaires, nous gratifient de sourires et acceptent nos yeux d’inquisiteurs sans jamais rechigner.
Ce marché est indéniablement un lieu de rencontres, une sorte de grand café à ciel ouvert, où commerce et conversations vont bon train.
Vers 9H00, nous quittons Bac Ha pour rejoindre encore plus au nord, le marché de Lung Phin.
Nous sommes les seuls touristes mais notre présence ne dérange visiblement personne.
Chacun mène ses affaires dans un bazar coloré et chaleureux. Sur une petite place, une vingtaine de femmes vendent, dans des bidons plastiques, de l’alcool de riz et de la liqueur de maïs, produits principalement fabriqués par cette ethnie.
L’odeur d’alcool envahit nos narines et nous réveille pour le coup totalement. Nous regardons ces échanges d’alcool d’un contenant à l’autre.
Les femmes vendent, les hommes achètent, le tout avec force commentaires. Quel spectacle!
Là encore, ce marché montagnard, coloré et authentique, nous émerveille et constitue des moments uniques et inoubliables.
Bac-Ha – Sapa
A présent, direction Sapa. 110 km plus au nord-ouest. Pour y accéder, nous passons à Lao Caï, le point frontière entre le Vietnam et la Chine.
Un autre pays pour un jour, une autre histoire…
Sapa, entourée par la chaîne de montagnes Hoang Lien (que les français appelaient ‘”les Alpes tonkinoises”) est située à 1600 m d’altitude.
Autant vous dire que notre petite moto bien chargée met le turbo pour franchir les cols successifs très venteux et noyés de temps en temps par la brume.
La région est magnifique. Rizières en terrasse, pics cachés dans les nuages, cascades, forêts de pins à l’infini, un autre visage du Vietnam s’ouvre à nous.
Sapa n’est pas en soi spécialement attrayante. Ancienne station climatique française construite en 1922, les différents conflits ne l’ont pas épargnée. Aujourd’hui, hormis sa petite église et son marché traditionnel, les bâtiments de béton ont fleuri un peu partout.
Sa position géographique lui permet cependant de bénéficier d’une manne touristique importante. Elle est en effet un point d’ancrage pour visiter les villages montagnards du nord. C’est ici que s’organisent la plupart des excursions.
Au centre-ville, nous croisons d’autres ethnies comme les Dao rouges, aux coiffes et parures extraordinaires, et l’ethnie Hmong noire, très présente.
Moins colorée que d’autres ehtnies, les femmes sont cependant tout aussi ravissantes. Nous nous faisons héler par bon nombre d’entre elles vendant quantité d’objets artisanaux.
De sacrés vendeuses! Même si nous n’achetons rien, elles nous amusent avec leurs rires et savent donner la réplique aussi bien en français qu’en anglais.
La plupart des Hmong noirs ne vont pas à l’école et ne savent ni lire ni écrire. Mais les femmes ont un don pour retenir les langues de façon incroyable. Pendant des heures, elles sont capables de vous suivre en babillant à vos côtés, tout en gardant en tête leur objectif de vente. Impossible de résister à leur humour et leur présence.
Nous nous échappons de Sapa à maintes reprises pour découvrir la vie des villages alentour.
Là aussi, le harcélement est incessant mais curieusement, il n’est en rien désagréable. Nous nous promenons au milieu des rizières installées en terrasse.
Les travaux agricoles sont un dur labeur. Hommes et femmes, aidés de leur buffle, labourent cette terre argileuse avant de replanter le riz.
Les maisons à même le sol sont construites en bois mais leur toît de taule et leur mur de pisé marquent une différence notable avec par exemple les Dao.
Signe de plus grande pauvreté?...
Ici, outre le riz, ce sont les fruits et les herbes médicinales qui dominent.
Depuis notre départ de Hanoï, notre périple a des allures de cartes postales figées à jamais. Si seulement la pendule du temps s’arrêtait!...
Enfin, privilégiés que nous sommes, nous souhaitons, dans cette lettre de nouvelles, faire un clin d’oeil à l’équipe du Victoria Hôtel qui, par leur accueil et leur hospitalité, ont fait de ce séjour, des moments exclusifs et mémorables. Merci Eric, Ronan, Antoine, Richard et Natasha.
Ha Noï
Notre périple à moto touche à sa fin. Pour couronner ce magnifique périple, nous empruntons une route intérieure dans les montagnes.
Avant de la rejoindre, nous franchissons le col du mont Fansipan (3143 m), point culminant du Vietnam. Entre virages et routes pentues, nous traversons des paysages aux verts multiples où poussent riz, thé et maïs en cascades à flanc de montagnes.
Quel travail! Nous croisons cette fois des villages où cohabitent Hmong fleurs, Dao blancs et Thay noirs.
Les klaxons résonnent. Nous voilà de retour après un périple de plus de 1000 km. Hormis une crevaison et deux chutes sans conséquence, notre petite moto nous a permis d’entrevoir une infime partie d’un Vietnam aux traditions encore préservées, riche de coeur et de couleurs. A ceux dont nous avons croisé le chemin, nous disons une nouvelle fois: “Merci!”
Hachille, toujours garé sur son parking, n’a certes pas bougé mais l’humidité ambiante a fait moisir son tableau de bord et la rouille s’est agrandie un peu plus sur certaines parties. Un bon coup d’aération et de nettoyage transforme de nouveau l’habitacle.
Ce retour à Hanoï signifie aussi la fin de notre aventure vietnamienne. Dans quelques jours, après la suite de notre visite de la capitale, notre camion va pouvoir se “dégourdir les roues et faire fumer le moteur” pour rejoindre le Laos. Une autre page s’ouvre… Une autre histoire…