07 décembre 2008
Nous nous souviendrons encore longtemps de l’île de Penang et surtout de sa ville, Georgetown. Passé, présent, avenir, elle représente à elle seule les trois perspectives. Nous venons de quitter celle que l’on appelle “La perle de l’Orient” pour rejoindre de nouveau la capitale, Kuala Lumpur. L’embrayage de notre camion est en effet arrivé. Le changement peut s’effectuer. Suées, frayeurs, mais aussi espoirs, rires et apprentissage donnent à ce voyage un mélange parfois bien pimenté. Un goût dont nous nous souviendrons longtemps également! Mais les caprices d’Hachille occasionnent aussi les rencontres. Rencontres qui nous permettent de plonger dans un univers confortable, voire ”luxueux”! Un réconfort dans l’effort sans doute…
Retour à KL
Nous voici donc de nouveau dans la capitale et c’est au tour de Myra, Ivo, et Marco de nous accueillir chez eux, dans le quartier de Damansara.
Ivo fait parti de l’association des véhicules anciens de KL. Nous l’avions rencontré précédemment lors d’un rallye “vintage cars” à Shah Alam. Celui-ci nous a immédiatement proposé son aide, son garage et ses outils.
Hachille est à l’abri, les réparations peuvent commencer. Quel exercice comme vous pouvez le constater par le biais de notre vidéo…
Avouons que si nous sommes pressés de repartir sur les routes, nous profitons tout de même de l’accueil de nos hôtes qui nous gâtent vraiment. Sans compter les retrouvailles avec une douche, un lit,… quels privilèges!
Gertak Sanggul
Au lendemain de notre incident mécanique, nous rejoignons l’île de Penang par le biais du pont, long de 13 km. Malgré un embrayage boîteux, nous pouvons tout de même poursuivre notre route. Notre point de rendez-vous est situé à Gertak Sanggul, tout au sud-ouest de l’île. C’est là que nous retrouvons nos amis français, Denis et Nanou ainsi que Sébastien et Christine, prêts, la veille, à faire un bout de chemin pour nous prêter main-forte sur le moteur d’Hachille.
Nous découvrons la pointe de cette île où pendant trois jours, un peu comme sur la place du village dans le sud de la France, chaque habitant, à pied, en mobylette ou en voiture, vient nous rendre visite comme on rendrait visite à des amis.
Le soir, le rassemblement est de taille. Chacun observe avec force commentaires et rires les faits et gestes de ces français du voyage, l’un en 4X4, l’autre en camping-car, et le dernier en compagnie d’un drôle d’engin tout droit sorti d’un vieux film. Le contact est chaleureux. Même le boulanger vient jusqu’à nous en mobylette pour nous livrer le pain.
Et si certains s’escriment à faire pétarader leurs deux roues pendant quelques minutes, à nos demandes, ils s’arrêtent immédiatement en s’excusant. On en demandait pas tant! De temps en temps, les femmes se massent devant l’entrée d’Hachille, un peu hésitantes avant de franchir le pas à l’intérieur du camion.
Pas besoin de beaucoup de mots pour se comprendre. Les rires fusent très souvent, l’étonnement vire au comique, et le constat reste le même à chaque fois…”Ah c’est tout petit”…”Mais vous dormez où?”…”Ah la cuisine, vous y arrivez là-dedans?...”, etc.... Les hommes, quant à eux, préférent toucher la carrosserie et interroger Yann pour les questions mécaniques. Midi ou soir, les gargottes alentours nous concoctent leurs plats.
Le dimanche, c’est jour de lessive.
La place se transforme en véritable camp de gitans paré de mille couleurs.
Les femmes du village inspectent le travail et portent un regard de compréhension face à la tâche. Finalement, elles ne sont pas si modernes ces européennes!
Seul un ou deux points de déception entachent le séjour. En face de la plage, nous apercevons une petite île.
C’est à cet endroit que les hommes partent à la pêche à la langouste et autres poissons. Nous aussi on veut y aller. Malheureusement, nous devrons nous contenter de les regarder partir et humer au retour leurs poissons, séchés par la suite sur des tapis en plein soleil.
Ceux-ci nous demandent de payer 300 RM (soit 75 euros) pour une simple promenade en bateau! On a beau leur expliquer que c’est hors-budget, aucun des pêcheurs ne négocient. A croire que le fruit de leur pêche rapporte trop! Tant pis! Le paysage est tout de même fort sympathique comparé aux restes des côtes, bardées d’hôtels et de compagnies étrangères.
Penang est d’ailleurs aujourd’hui rebaptisée “La Silicone Valley de l’Orient”. De nombreuses industries y sont en effet implantées depuis ces quinze dernières années.
Selon l’un des habitants, l’eau est d’ailleurs devenue polluée. Il suffit de regarder sa couleur, d’un bleu cristal avant nous dit-on, elle est aujourd’hui bien grise. Nous qui détestons “nager en eaux troubles”, nos orteils ne s’y sont même pas trempés! D’ailleurs, en parlant d’eau polluée, en amont, une usine de volaille rejette ses eaux sales le soir. Une odeur de poulailler émet par intermittence des relents plus que nauséabonds. Comme d’habitude, jusqu’où ira la pollution du site?... A question récurrente, réponse fatale! Malgré ce constat, nous garderons en mémoire ce séjour à Gerlak Sanggul. Sans nul doute grâce à l’accueil de ses habitants.
Le trio français se sépare un matin. Nous reprenons notre route à l’est, c’est à dire vers la capitale de l’état: Georgetown.
Bouddha d’argent
A moins de quinze kilomètres de Georgetown, nous nous arrêtons à Air Sitam. C’est dans ce village que se dresse sur la colline le plus grand temple bouddhique de Malaisie: le temple Kek Lok Si.
Un temple érigé à partir de 1890 grâce aux dons de riches chinois du Détroit. Il faut d’ailleurs préciser que Penang connaît (encore aujourd’hui malgré son melting-pot malais, indiens et européens) la plus forte concentration de chinois de l’ensemble de la Malaisie.
Pivot du commerce de l’opium chinois au XIXème siècle, l’île est restée aux mains de sociétés secrètes chinoises jusqu’au début du XXème siècle.
Le sanctuaire Kek Lok Si s’est (buissness chinois oblige!) transformé aujourd’hui en complexe commercial! A première vue, le premier temple apparaît comme une oeuvre magnifique où toit en céramique, dragons, scupltures, fresques murales, bouddhas richement décorés, etc… mélangent recueillement et puissance de la religion.
Mais petit à petit, les dédales intérieurs menant à d’autres temples concentrent une quantité de commerces qui n’a presque plus rien de religieux. Comme d’ailleurs dans la plupart des lieux de culte de ce monde… Le site rappelle vaguement une histoire dans les évangiles se déroulant entre Jésus et les marchands de temple, chassés par la suite. L’histoire se répéte…
Pour accéder aux autres sites, il faut bien sûr passer par les magasins offrant quantité de pacotilles et gadgets bien kitschs comme on les aime.
Quelques gongs et voix de bonzes résonnent de temps en temps, mais nous apercevons quelques moines à l’entrée de certaines échoppes. Mariage du culte et de l’argent…”Il faut bien vivre non?”...
Entre fidèles, marchands et touristes, nous voici transportés dans un monde hallucinant. Pour autant, nous apprécions l’architecture des temples et leurs mises en scène.
Le funiculaire, dernière étape de la visite, nous emmène au pied d’une gigantesque statue de bronze (36,50 m) représentant la déesse de la miséricorde (Kuan Yin). Le site est en chantier.
Nous nous contenterons d’un aperçu de la statue qui devraient dans les années à venir être entourée de 1000 statues de la déesse d’une hauteur de 2 m chacune, et de 16 piliers en bronze supportant un toît. Forcément, pour cette édification, Bouddha et ses feuilles d’or requièrent votre argent Mesdames et Messieurs! A votre bon coeur évidemment…
Penang, bijou multiculturel
Nous n’avons pas seulement aimé Georgetown, nous en sommes tombés amoureux! A notre arrivée, nous laissons Hachille garé sur l’un des parkings de la Marina. Les jours sont comptés avant notre départ pour la capitale, nous tenons à en profiter au maximum! Nous commençons la visite de la ville par le côté est où selon l’office de tourisme un petit circuit à pied permet de découvrir le quartier colonial. Nous découvrons ainsi le fort Cornwallis construit à l’arrivée du capitaine anglais Francis Light en 1786. Puis la Tour de l’Horloge de 1897 commémorant les 60 ans de règne de la reine Victoria.
ou encore la mairie et l’hôtel de ville (1880), rénovés depuis, mais offrant au visiteur un bel aperçu de la splendeur passée.
Nous longerons ainsi, pendant trois heures, monuments, églises et bâtiments incarnant ce Georgetown d’une autre époque.
Le musée de la ville, riche de multiples collections, retracent l’histoire de la population de l’île.
Nous apprenons par exemple l’origine des Baba-Nyonya (ou Peranakan). Il s’agit du métissage entre les premiers immigrants chinois et les femmes malaises. Coutumes, cuisine, et formes d’art comme la musique, ont créé une identité propre.
Notre première balade s’achève devant l’Eastern and Oriental Hotel, un hôtel, au bord de la mer, fondé par des Arméniens en 1884 et dont la structure est un exemple architectural du XIXème siècle.
Acteurs, écrivains voyageurs, riches planteurs ont fait la renommée de cet hôtel. Totalement en ruine dans les années ’90, sa rénovation lui permit de réouvrir ses portes en 2001. Nous parcourons les halls et salons où subiste l’âme d’une époque glorieuse.
Le soir même, nous partons en quête d’un bon restaurant. Nous savons Penang riche d’une cuisine aux mille saveurs. Difficile alors de choisir parmi les centaines d’adresses mais à côté de notre parking,
nous craquons pour l’ambiance populaire de l’un d’entre eux, et surtout pour ses étals de poissons.
Pour moins de dix euros à deux, nous nous offrons un dîner de roi composé de crustacés, poissons, légumes et riz.
Les jours suivants se passent à explorer encore un peu plus cette ville que nous pourrions aisément adopter. Atmosphère sereine, architecture cotoyant l’ancien au moderne, petites ruelles, population plus qu’accueillante, … A moins de deux kilomètres de la ville, au nord-ouest, se trouvent deux autres curiosités. Les Wat (signifiant “temple” en thaï.) Chayamangkalaram et Dhammikarama, deux sanctuaires bouddhiques. Dans le temple thaïlandais, repose un bouddha, drapé de feuilles d’or.
Sa particularité réside dans le fait de sa position, couché, et dans sa taille: 33 m qui en fait, dit-on, le troisième bouddha le plus long du monde.
Possible, nous ne sommes pas contrariants mais impressionnés, oui!
L’ambiance est au recueillement dans ce temple, les statues à l’effigie de Bouddha et autres sages ou dieux sont partout, les couleurs sont vives.
Derrière le bouddha, sont enfermées des centaines de jarres renfermant les cendres des défunts.
De l’autre côté de la rue, nous découvrons le temple birman.
Celui-ci fut le premier temple bouddhique de Penang (1805). Mais les vendeurs de pacotilles en gâchent l’entrée et masquent par la même la vue de deux remarquables éléphants. Quant au bouddha, il est nettement moins grand. Peut-être aurions-nous dû commencer par le birman?!… Trop tard!
Nous revenons de cette visite par le biais de Maniom, un indien dont le métier consiste à pédaler sur un trishaw.
L’exercice nous met mal à l’aise au départ mais nous savons qu’il doit gagner sa vie ainsi. Ce moyen de transport est d’ailleurs très usité pour découvrir les vieux quartiers, là où ne passerait aucune voiture.
L’instant de culpabilité disparaît avec sa gentillesse et cette balade d’une heure dans ce trishaw, au milieu d’une circulation dense et sans pitié pour les vélos, nous ravit.
Georgetown, encore et toujours…. Ce sont aussi des quartiers atypiques propres à chaque identité avec dépaysement garanti même si comme partout ailleurs dans le pays, les communautés forment un vrai melting-pot en totale harmonie.
En marchant dans les rues, la voix du muezzin nous conduit jusqu’à la mosquée Acheen St (1808) et marque le début de l’entrée du kampung (village) malais.
Pas besoin d’écriteau pour deviner que tout à coup, nous sommes transportés en Inde. A Little India, les hauts-parleurs crachent tour à tour leur musique, la foule est dense, et l’odeur du curry émane des quatre coins des rues.
Quant à Chinatown, quelle merveille!
Dans les dédales de rues, se cachent de véritables trésors architecturaux.
Outre la quantité de shophouses (petites maisons dont le bas est aménagé en magasin) rénovées et adjacentes à d’autres très délabrées, se trouvent des “Kongsis”.
Ces maisons, mi-temple, mi-salle de réunion, abritaient les chinois du même clan ou de la même famille.
Penang en compte beaucoup et à Georgetown, celui du clan Khoo est absolument incroyable.
Ce “kongsi”, également appelé “salle de la montagne du dragon” abrite quantité de sculptures, peintures et céramiques.
L’ambiance renferme une sorte de secret ou peut-être est-ce dû à notre imagination, dérivant au gré des détails rencontrés d’une pièce à l’autre.
Nous repartons de plus belle dans le centre de Goergetown qui offre au visiteur peu pressé bon nombre de découvertes comme ces dizaines de temples, témoignage de la diversité religieuse.
Vous l’aurez donc compris, nous pourrions vous parler de Georgetown pendant des heures même si nous n’y avons passé que quelques jours. Quel coup de coeur! Bonne nouvelle… La ville est désormais inscrite au Patrimoine de l’Humanité. Les promoteurs immobiliers ne pourront plus détruire la ville comme bon leur semble!
Dernier clin d’oeil dans cette lettre de nouvelles… La veille du départ, beaucoup de voiliers sont arrivés au port. Parmi eux, des français qui n’ont pas manqué de venir saluer Sieur Hachille, tout étonnés de voir un Hy à Penang. C’est ainsi que nous nous retrouvons un soir à bord de l’un des voiliers, celui de Jean et Ginette, qui depuis quatre ans font le tour du monde en bateau. Jean nous a même offert son badge pour aller prendre une douche à la Marina. (Il faut dire que nous en avions bien besoin après ces journées de marche dans Georgetown!) Merci à vous! Et peut-être à bientôt sur les chemins du monde…
Dans moins de deux jours, nous reprenons notre route en direction de la Thaïlande. Objectif: les côtes sud-ouest et Phuket. Mais il nous reste plusieurs centaines de kilomètres à parcourir avant d’atteindre la frontière. Des pauses sont donc oligatoires. Sur la carte, nous pourrions nous arrêter à Taiping, voire un peu plus haut… Georgetown? L’itinéraire est tracé mais nous sommes encore indécis concernant les arrêts. Mais cela est bien sûr une toute autre histoire…