19 septembre 2009
Du sud au nord, la Syrie ne semble se départir ni de son hospitalité ni de ses charmes. Tant pour ses gens, ses animations que ses particularités ou ses architectures. Nous avions bien évidemment envie de rester dans cette douce ambiance orientale qui confirme une parole locale : « Un homme pressé est un homme mort ». Malgré tout, Hachille a déjà filé, plus à l’ouest, se rapprochant de jour en jour des frontières européennes. Mais nous n’en sommes pas encore à notre dernier tour de roue ! Avant d’atteindre celui-ci, les chemins, encore syriens, nous ont conduit à Hama, puis à Aleppe.
Tourne et grinçe
En route vers le nord syrien, nous décidons (n’étant pas en retard sur notre date d’arrivée) de faire halte à Hama, une localité à mi-chemin entre Damas et Aleppe. La petite ville de Hama est surtout connue pour ses curiosités baptisées « norias », signifiant « roues d’eau ».
Ces énormes roues d’eau, fabriquées en bois émettent en tournant un bruit de vieille tronçonneuse qu’on aurait oublier de graisser. Impressionnant ! Le bruit ou la taille ? Les deux. Même les hauts-parleurs du muezzin font à côté piétre figure !
Les premières norias datent du Ve siècle mais les roues actuelles datent pour la plupart des XIIIe et XVe siècles. Sur la trentaine construite, seule une dizaine est encore visible. Ces norias que nous découvrons au fur et à mesure de notre balade citadine ont été restaurées ou reconstruites pendant la période ottomane (période s’étendant du XVIe au XXe siècle).
Nous les découvrons à côté des mosquées ou juste à l’extérieur de la ville, assemblées par deux ou par quatre. Les roues tournent encore au printemps et en été. Nous pensons qu’elle font à présent office de simple attraction touristique, ce qui est en soit est déjà pas mal.
A l’origine, elles servaient d’une part, à diviser les eaux selon un schéma d’irrigation bien établi et d’autre part à réguler, tel un barrage, la montée et la descente de la rivière.
Outre ses magnifiques ouvrages, Hama a su garder un quartier historique dans lequel on retrouve de très belles mosquées de pierre et de brique.
D’agréables ruelles où se mêlent boutiques, maisons privées et abris d’artistes.
Il y a même un palais Azem, du même fondateur que Damas, malheureusement non visitable en raison d’horaires restreints. Nous sommes également surpris par la quantité de parcs et jardins au vu de la petitesse de la ville.
Mais les déchets parsemant les berges de la rivière, l’enlisement des canaux et leurs odeurs pestilentielles affaiblissent l’effet escompté: Une ville bien proprette. L’image suisse n’est pas pour demain…
Enfin Hama a connu elle aussi une vie au cœur d’une citadelle. Celle-ci est à présent pratiquement enfouie sous des monticules de terre. Elle est aujourd’hui un lieu de détente et de pique-nique pour les familles. La citadelle est tombée et restera, à notre avis, tombe pour l’éternité.
Halab
Nous reprenons la route en direction cette fois d’Aleppe (ou Halab), la région dite du « Krak des chevaliers » et ses montagnes russes ne sont pas pour les roues de notre nez de cochon. Une autre fois pour un autre projet de voyage…
Aleppe est ainsi notre dernière étape syrienne avant notre passage en Turquie.
Nous allons donc en profiter ! Préservée en partie grâce à son classement sur la liste des patrimoines mondiaux, la seconde ville de Syrie, ancienne halte sur la route de la Soie, est plutôt grande et moderne, donnant ainsi une impression de ville coupée en deux.
D’un côté (le plus vaste), les quartiers chics et prospères tel un vieux Manhattan orientalisé.
De l’autre, une vieille ville, un peu sale et décrépite mais néanmoins typique et dont le bazar grouillant, presque moyenâgeux, assure un bon dépaysement.
Avant d’explorer la ville, nous trouvons notre lieu de campement : Un terrain faisant office de camping, récemment ouvert par un couple belgo-syrien. L’occasion d’en apprendre un peu plus sur la culture locale puisque le couple parle parfaitement français. Garés à une vingtaine de kilomètres du centre ville, au milieu de champs d’oliviers, nous utilisons les mini-bus locaux la journée et retrouvons le calme de ce village sunnite les soirs venus.
Démarrons tout de suite ce récit d’Aleppe par notre qurtier favori : Al Jeida. On peut se balader des heures durant au cœur des ruelles étroites, le nez en l’air pour admirer quantité de vieilles maisons ottomanes.
Portes et balcons de bois joliment travaillés, murs blancs, façades où se nichent mosaïques, inscriptions et lampes d’époque, …
Ce quartier a de l’âme. Développé par les chrétiens réfugiés, principalement à majorité arménienne et maronite, ce quartier a abrité ces deux derniers siècles de prospères commerçants.
Il n’est aujourd’hui pas encore classé, ce qui nous étonne si l’on compare avec la vieille ville. Enfin, nous ne sommes pas l’Unesco !
Autre lieu d’importance à découvrir à Aleppe : La citadelle. Un mur de défense arabe imprenable édifié à partir du XIIe siècle pour s’abriter des croisés. Immense et très bien conservée.
Il faut dire que pour la détruire, même une armée de mamouths en colère n’y suffirait pas ! Dommage que le quartier entourant les fortifications donne une impression de chic très surfaite.
Chemins fraîchement pavés, maisons restaurées, cafés bien standardisés, magasins de souvenirs à foison,… Bref, c’est à coup sûr ici que le touriste fait office de chèvre…
A l’intérieur des remparts, outre les multiples fortifications, nous remarquons un grand nombre de portes entre chaque passage.
Vraiment, pour s’attaquer à cette citadelle, il fallait en vouloir ! Une fois passés les multiples pièges, nous nous promenons sur les remparts et au milieu des murs.
Habitations, palais, mosquées, hammam, mausolés ou encore tombeaux, une ville à part entière.
Nous notons aussi qu’Aleppe posséde sa tour de l’horloge. Tellement banale que l’on finit par ne plus s’en émouvoir.
La ville comporte également bon nombre de parcs publics magnifiques et un quartier au nord excessivement moderne. Coupée en deux, Aleppe le serait presque.
C’est là que nous trouvons quantité de cafés internationaux, de maisons fastueuses et de boutiques dernier cri. C’est le quartier dit arménien.
Nous notons également les plaques sur les sonnettes. Un lieu où médecins, avocats et hommes d’affaires ont élu sans conteste domicile. Finalement, le schéma est identique partout dans le monde.
Nous gardons aussi en tête l’une de nos rares visites au sein de bâtiments. Une splendide maison du XIVe siècle, transformée ensuite en asile jusqu’au XXe siècle.
Cour centrale, fontaine, passages interminaux, chambres étroites,… La beauté de l’édifice se superpose à la dureté et à l’horreur même de sa fonction. Marquant.
Nous arrivons à présent dans la vieille ville. La citadelle, vous nous direz, fait partie du cœur historique mais nous sommes arrivés du nord-est de la ville, c’est à dire de l’autre côté de la porte d’entrée du cœur historique. Une manière de faire un pied de nez au circuit touristique.
Classée au patrimoine de l’Unesco, une fois la porte franchie (la seule restante), nous entrons directement au cœur de la véritable Aleppe, celle qui n’a pas changé.
Nous plongeons directement dans le souk où, a contrario des autres bazars que nous connaissons, les odeurs de viande de mouton dominent largement. Moins propre et moins agencé que sa voisine damacéenne, le souk d’Aleppe donne pourtant tout de suite le ton.
Un bazar coloré et très bruyant, typique de la culture syrienne. Difficile même d’avancer ou de se faufiler quand il s’agit de croiser la route d’une voiture, si minuscule soit-elle !
Nous retrouvons les habituelles échoppes de tissus et paillettes, le coin des tapis, et forcément celui des épices et bonbons. Sans oublier les boulangers où les plateaux d’argent dévoilent déjà les pâtisseries dégoulinantes de beurre, sirop et arachides.
Nous constatons que les bouchers sont la corporation, après les tisserands, les plus présents dans le souk.
Au grand damne de Géraldine qui déplore la vue de ces bêtes pendues, présentées entières, ou justes avec les têtes, voire les abats.
Mais n’oublions pas ce qui a fait (et fait encore) la renommée d’Aleppe dans le monde entier : Ses savons !
A notre grand regret, l’usine de fabrication est fermée. Les savons se fabriquent en effet en hiver et ce pendant trois mois. Dans les boutiques attenantes, nous apprenons qu’une fois formés, les savons sont disposés dans un endroit frais et y resteront suivant leur qualité et ce à quoi ils sont destinés.
Les meilleurs sont fabriqués à 90% d’olive et 10% de baies de laurier et vieilleront huit ans dans les entrepôts avant d’être vendus. Un peu comme les fromages finalement ?!...
On les utilise ensuite pour l’ensemble du corps et pour les cheveux. Les moins bons sont vendus au bout de trois mois et comportent un pourcentage plus élevé de baies de laurier. On les utilise davantage pour les mains ou la lessive.
L’odeur de ces savons est très particulière. Il faut vraiment croire aux propriétés déclarées de ces savons pour en acheter ! Pour les rendre moins âcres ou moins brutes, on ajoute à certains des huiles essentielles ou des parfums, naturels nous dit-on. Nous ne l’imaginons pas autrement !
Tout comme Damas, Aleppe peut se conter pendant des heures. Cul- de- sacs, allées, ruelles, caravansérails, maisons anciennes, les deux villes ont bien sûr de nombreux points communs mais c’est l’ambiance générale de la première qui reste pour l’heure dans nos mémoires.
Notre coup de cœur revient à la gentillesse et la serviabilité des aleppiens, sans oublier leur hospitalité. Tout comme la majeur partie des syriens d’ailleurs.
Dernier clin d’œil… Aleppe ne serait pas sans ses fromagers et ses épiciers. Nos palais ont retrouvé des saveurs magiques. Obliées pendant notre périple asiatique, elles n’en étaient que meilleures.
La page du Proche- Orient se tourne définitvement, une autre s’ouvre, celle que l’on ne déclare ni arabe ni européenne. Celle que l’on connaît pour ses montagnes extraordinaires, ses côtes méditerranéenne ou égéenne, et bien d’autres… La Turquie. Nous y sommes depuis plusieurs jours. Nous avions aussi oublié combien un litre d’essence ou un pain peuvent coûter chers ! Une préparation peut-être nécessaire avant notre retour en France où paraît-il les prix flambent !... Mais ceci est bien sûr une autre histoire…