07 février 2010
Nos pérégrinations sur les chemins du monde se poursuivent dans d'autres circonstances, sous d'autres latitudes.
Yann est revenu il y a quelques jours d'un tournage en Haïti. Vous en connaissez, pour sûr, la raison, pour avoir été, entre autres, assaillis d'images ces dernières semaines.
Yann ne va pas en rajouter mais vous propose un instantané... Sa vision, très personnelle, de son expérience haïtienne. Huit jours intenses et touchants.
Un sourire d'Haïti plutôt qu'un portrait sombre d'un peuple qui ne demande qu'à vivre...
Alors que nous tournons un reportage sur la démolition du centre de Port au Prince, nous traversons un camp de réfugiés au pied de Carrefour Feuille (commune de Port au Prince). Il est treize heures, les femmes s'activent autour de leurs marmites, les enfants jouent dans la rue et les ouvriers s'accordent la pause de la mi-journée. Sous une tente de fortune, un homme commence doucement à chanter un de ces airs mélodieux, mélange de paroles religieuses, de musique créole et de rythmes africains. Puis un jeune homme sort un tambour, suivi d'une jeune femme et son tambourin. En quelques minutes, l'ambiance dépasse les limites de la tente, puis s'étend dans la rue pour bientôt se répandre dans tout le camp. Fi la douleur des coeurs, fi les conditions de vie, les sourires sont partout, oubliant un instant le cauchemar actuel, les guerres géopolitiques, les dirigeants corrompus et incompétents,... Haïti chante avec force et conviction. Ils ont perdu un frère, un parent, une soeur, un enfant, un cousin, ils ont perdu leur maison, leurs papiers, leur emploi, mais ils n'ont pas perdu leur dignité, leur courage et leur sourire.
Durant ces jours passés à Port au Prince, les sourires ont ponctué nos journées. Tous ont voulu nous dire leur amour de leur pays, écartelé depuis son indépendance entre troubles militaires, politiques et catastropes naturelles. Ils ne veulent pas quitter leur terre et c'est bien normal. C'est presque avec humour qu'ils réagissent au déchaînement de la nature et les blagues se partagent autour d'une assiette de riz: "Haïti est comme un téléphone portable. Sous le président Aristide, le pays était en mode sonnerie, sous le président Bonifas, le pays était en monde silence... et aujourd'hui ... sous le président Preval, le pays est en mode vibration!"... ou encore, alors que la neige recouvre l'Europe: "Chez vous en Europe, il fait 0°C et vous avez 15cm de neige... ici il fait 35°C et nous avons 15cm de poussière!" Que faire sinon rire aux éclats avec ceux qui ont partagé quelques minutes de joie avec nous.
Oui le pays est meurtri, oui ils ont besoin d'aide, mais ils ont déjà le sourire et la foi pour surmonter cette nouvelle épreuve. Ces quelques minutes de musiques sont l'image la plus forte que je garderais des haïtiens, loin des forces armées prenant position autour des points stratégiques.
Une note d'espoir, une leçon de vie.